Grande brûlée, Cindy a fait de ses cicatrices son identité. Mais avant d’en arriver à cette acceptation presque totale de son corps, la jeune femme a lutté pendant trois longues années. Un parcours qu’elle partage avec nous.
Cindy a 37 ans et la vie devant elle… Pourtant, la Liégeoise a été victime d’un accident domestique qui a bien failli lui coûter la vie et l’a marquée à jamais. Brulée sur 35% de son corps, elle a dû se battre pour survivre, puis pour accepter que son image ne soit plus jamais comme avant. Après avoir bataillé durant plus de trois ans pour vaincre l’angoisse du regard des autres, la jeune femme nous confie que cette épreuve a fait d’elle une femme incroyablement forte à qui plus rien ne fait peur.
22 décembre 2017. C’est à cette date que tout bascule. “Il faisait très froid, j’ai donc allumé un feu pour réchauffer mon habitation. Un geste que je faisais quotidiennement et que je maîtrisais parfaitement, mais qui m’a presque emportée ce jour-là”. Malade depuis plusieurs jours, Cindy avait demandé à un ami de faire quelques courses pour elle et de revenir avec de petits carrés “allume-feu”. N’en ayant pas trouvé, ce dernier est revenu avec une bouteille d’éthanol – un produit extrêmement inflammable – pensant que cela ferait l’affaire.
“Quand j’ai essayé d’allumer mon feu avec le liquide, ça n’a rien donné, alors j’en ai remis. J’avais la bouteille en main quand une flamme énorme est sortie de mon poêle à bois. J’ai eu le réflexe de fermer le foyer… Et si je me sentais certes un peu bizarre, je n’ai pas compris tout de suite que j’étais brûlée à un tas d’endroits sur le corps. Car étrangement, je ne ressentais aucune douleur. Je suis allée sous la douche et j’ai vu des touffes de cheveux tomber. Quand j’ai tenté de passer un appel à mes parents pour leur demander de l’aide, impossible d’activer mon téléphone de mes doigts. Sous le choc, je ne comprenais toujours pas ce qui m’était arrivé. Je suis alors sortie de chez moi pour crier à l’aide, mais aucun son n’est sorti de ma bouche, puisque la fumée que j’avais avalée attaquait ma gorge et mes poumons”.
Cindy réussit finalement à contacter ses parents, qui l’emmènent d’urgence à l’hôpital. Les médecins décident de la plonger dans un coma artificiel pendant plusieurs jours. Elle passera au total plus de trois mois à l’hôpital et manquera de mourir à trois reprises. Mais la jeune femme est une battante et survit à cette épreuve. À son réveil, elle se rend peu à peu compte que son corps est marqué par le feu. “Il m’a fallu un long moment pour retrouver mes esprits. Quand cela a été le cas, le chef de service est venu m’expliquer que j’avais été brûlée sur le ventre, les jambes, la poitrine, le cou, le bras gauche et une partie du visage”.
Elle devra attendre de sortir de l’aile des grands brûlés pour avoir accès à un miroir et être confrontée à sa nouvelle image. “Je rangeais mes affaires dans la salle de bains de ma nouvelle chambre quand j’ai levé les yeux vers le miroir. Mais celle que je voyais, ce n’était pas moi: la personne que j’apercevais dans le miroir était plus ronde que moi, avait les cheveux rasés et foncés alors que j’avais de longs cheveux blonds, elle avait ces cicatrices… J’étais dans le déni total, je savais quelque part que c’était moi, mais je ne voulais pas l’accepter”. Pendant longtemps, Cindy refusera de voir un spécialiste de la santé mentale, mais elle pleurera tous les jours dans sa chambre. Elle n’acceptera que plus tard d’être suivie psychologiquement.
Petit à petit, la jeune femme se voit confrontée aux regards des autres patients de l’hôpital et des visiteurs. Son psychologue travaille avec elle pour l’aider à accepter sa nouvelle condition: “Au début, je cherchais beaucoup le regard des autres, mais j’ai compris qu’au sein de l’hôpital, peu de gens me dévisageaient et que les regards n’étaient pas si pesants”.
Trois mois après son arrivée, Cindy retourne chez elle avec cette nouvelle apparence qu’elle n’assume pas encore. Elle décide notamment de sortir avec sa maman dans le centre de Liège, un endroit qu’elle connaît bien, afin de s’acheter des vêtements… Un réel défi: “Je m’apprêtais à sortir quand j’ai été prise d’une grosse bouffée d’angoisse. Et si je croisais des gens que je connaissais? Et si j’avais des remarques désobligeantes? Et si les passants me dévisageaient? Heureusement, ma maman – qui est mon pilier – m’a soutenue dans cette épreuve. Elle m’a pris par le bras et a fait rempart entre moi et les autres”.
Dans le but d’apprendre à vivre avec sa nouvelle réalité, Cindy s’inscrit à une cure thermale pour grands brûlés, qui a lieu chaque année aux Thermes de Spa et qui a pour but de prendre soin physiquement et moralement des patients qui ont été victimes de brûlures importantes. Une nouvelle épreuve pour l’accidentée, qui doit assumer d’être vêtue uniquement d’un maillot devant des inconnus. Si elle y va la peur au ventre, c’est bien cette cure qui aidera Cindy à accepter son corps tel qu’il est: “Quand mes parents m’ont déposée, je pleurais comme une enfant qui allait pour la première fois à l’école. J’étais terrifiée de rencontrer des inconnus, de me mettre en maillot et qu’ils voient mes cicatrices. Je suis d’ailleurs restée pas mal en retrait, comme un petit animal sauvage. Mais dans ce groupe, j’ai découvert des personnes merveilleuses qui m’ont aidée à emprunter le chemin de l’acceptation. Les brûlés, les soignants, les maquilleurs qui nous apprennent à camoufler nos cicatrices, c’est une grande famille, et ils m’ont appris à vivre au-delà de mes cicatrices”.
Pendant cette escapade salvatrice, Cindy va reprendre goût à la vie: elle va rire, pleurer, refaire le monde avec ce groupe de survivants et lâcher prise. En sortant de la cure, elle décide que plus rien ne l’empêchera d’être libre et heureuse.
Cindy participera à trois cures au total, dont une durant laquelle elle assistera une maquilleuse afin d’enseigner aux nouveaux venus à camoufler leurs cicatrices, grâce à sa formation d’esthéticienne. Chaque participation l’aide à avoir un peu plus confiance en elle et à se sentir bien tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. “Cette cure a été une véritable renaissance. Elle m’a appris à vivre avec ma réalité, mon nouveau corps et, surtout, à accepter mon image. Cela m’a aussi permis de comprendre une chose très importante: si je vais bien à l’intérieur, peu importe que les gens me regardent. Le regard des autres, c’est avant tout dans la tête”.
La jeune femme refuse toujours de baisser les bras: “Chaque jour, je souris, même – et en particulier – quand je n’ai pas la pêche. J’ai failli mourir, alors je refuse de me cacher et de vivre à moitié”. Et c’est un état d’esprit qui semble lui réussir: célibataire, Cindy continue de plaire aux hommes, qui la trouvent “plus lumineuse que jamais”, selon les dires d’un de ses meilleurs amis. “Cette épreuve a fait de moi celle que je suis aujourd’hui: une femme forte et décidée, qui ne se laisse plus marcher sur les pieds. Je suis marquée par la vie, raison pour laquelle je me suis fait tatouer les zones de mon bras qui n’avaient pas été brûlées”.
Aujourd’hui, Cindy vit presque comme tout le monde: elle sort, va à la piscine, s’habille comme elle le souhaite… sans faire attention au regard des autres. Elle nous prodigue ici deux conseils pour tendre vers l’acceptation de soi et vivre avec une particularité physique telle que des cicatrices.
Selon la jeune femme, le regard des autres n’est pesant que si l’on se sent mal dans sa peau. La priorité est donc de faire en sorte d’aller bien moralement et d’avoir suffisamment confiance en soi pour affronter le quotidien et les inconnus, la tête haute. Comment? En vivant pleinement, en cherchant à se faire plaisir et en profitant de tous les petits bonheurs que la vie nous offre.
Depuis son accident, Cindy a fait un énorme tri dans son cercle d’amis et ne côtoie plus que des personnes qui l’apprécient pour ce qu’elle est vraiment. Pour elle, il est primordial de ne s’entourer que de personnes bienveillantes qui ne jugent pas et qui peuvent comprendre sa réalité et son parcours de vie.
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